Préfecture de MÔ : Un projet d’aménagement d’une Cascade menace la paix sociale

Un grand risque d’effritement de la coexistence pacifique et de la paix sociale entre deux communautés, plane sur la plaine de Mô. A l’origine, un projet d’aménagement d’une cascade dans le milieu. Le pilotage dudit projet d’aménagement est sur le point de dresser les populations de Boulohou contre celles de Souroukou, en raison de son caractère jugé exclusif par le chef canton de Bolohou. Malgré les démarches entreprises par ce gardien des us et coutumes en vue d’éviter des récriminations autour de ce noble projet de revalorisation de la cascade, qui est un lieu sacré abritant les divinités de Bolohou, une main noire manœuvre toujours à dresser les deux communautés riveraines, l’une contre l’autre. A quel dessein ?

La paix sociale, si chère aux plus hautes autorités du pays, ne saurait être mise en mal dans la préfecture de Mô. Sa Majesté Bagna Issaka, Chef canton de Bolohou, est très catégorique là-dessus. De ce point de vue, il a très tôt attiré l’attention des porteurs du projet d’aménagement de la cascade de la localité sur les risques éventuels que l’exclusion des ayants droits traditionnels de la rivière Sakou et la cascade, fait planer sur ledit projet.

Par un courrier avec accusé de réception de la mairie de Mô, le chef du canton de Boulohou a souligné son droit à être associé aux initiatives d’aménagement de la cascade, reconnu comme siège du fétiche de Boulohou. A la surprise générale, la cascade de Sakou a été rebaptisée unilatéralement en cascade de Souroukou, ignorant ainsi le canton de Boulohou, pourtant détenteur historique de ce site sacré, cité dans les archives coloniales du Togo allemand.

Le chercheur Heinrich Klose mentionnait déjà le nom de la cascade, dans son document intitulé « Le Togo Sous le drapeau Allemand » (1894-1897). Ainsi on peut lire à la page 284, un chapitre parlant de la Cascade de Sako. « …Nous arrivâmes peu après au marigot Sako, qui a 10 m de large, et nous offrit un spectacle de la nature unique en son genre : dévalant d’une crête montagneuse haute d’environ 300m, le Sako se précipite dans une gorge rocheuse profonde d’à peu près 70 m. La chute se dessine comme un blanc fil d’argent, sur le roc rouge sombre de la roche, et la chaîne de montagne boisée, couronne ce petit cirque de tous côtés ». 

Et le chercheur de préciser que : « Il n’est pas étonnant que les peuples primitifs, attribuant à ce phénomène une sorte de pouvoir supérieur, placent le siège de leur dieu-fétiche dans cette chute et sa gorge rocheuse si romantique ».

De même, le document mentionne le nom du Chef Ouro Bagna, personne responsable de la localité.  L’actuel Chef canton de Boulohou est l’un des descendants légitimes de cet ancêtre. Et comme la tradition se transmet de génération en génération, sa majesté Bagna Issaka demeure l’actuel détenteur incontestable des rites et autres prérogatives traditionnels sur le site. Dès lors, tout projet autour de ce lieu sacré ne saurait ignorer ce chef.

Diviser pour régner ?

Le Chef canton de Boulohou précise épouser l’idée de revalorisation de la cascade de Sakou. Ce projet va contribuer au développement de la préfecture, et partant, désenclaver la plaine de Mô, croit-il fermement. Mais il déplore que cette initiative soit menée sans associer Bolohou, en tant que partie prenante de ce vestige historique et siège de ses divinités.

Comble de déni de leurs droits traditionnels sur le site, la cascade a été rebaptisée ‘’cascade de Souroukou’’. Et lors de la rencontre de validation du rapport provisoire de l’étude de faisabilité du projet d’aménagement, le 27 juin 2024, à Lomé, seul le chef de Souroukou aurait été invité à la séance. Le Chef de Boulohou a été, lui, royalement écarté.

Ces faits sus mentionnés font dire au Chef qu’il y a manifestement une main noire qui s’active à les brouiller avec leurs frères de Souroukou. L’intention est, sans nul doute, de diviser pour régner, font remarquer certains villageois.  

En dressant alors les populations de Bolohou contre celles de Souroukou, cette main noire pourra allègrement dérouler son projet de constitution de fief dans la plaine de Mô, et assoir ainsi sa suprématie.

D’ailleurs, les deux communautés voisines voient déjà venir cette main noire, qui ne s’empêche de raconter qu’elle fera bientôt son entrée dans l’exécutif du pays. Voilà qui lève un coin de voile sur son agenda secret, car lorsqu’on finit de constituer une manne financière conséquente, l’étape suivante n’est plus un mystère.   

Il est crucial de noter que Souroukou et Boulohou sont des villages voisins, Boulohou étant chef-lieu du canton dont fait partie Souroukou. Les deux communautés sont séparées, l’une et l’autre, par la rivière Sakou, qui traverse toute la plaine de Mô jusqu’à Djarkpanga et Tindjassi. Les deux localités sont historiquement liées, avec des pistes d’accès distinctes mais complémentaires. Boulohou, peuplé par la communauté d’origine Bassar, est le gardien des fétiches de la montagne et chef traditionnel depuis des générations, comme en attestent les archives coloniales sous le règne allemand au Togo.

Réajuster le projet

Cette belle initiative de revalorisation de la Cascade, doit impérativement inclure les communautés de Boulohou. Ceci relève du respect des traditions locales et de la gouvernance inclusive ou participative, leitmotiv des plus hautes autorités du pays.

L’appel est lancé à toutes les autorités compétentes de l’État, à travailler pour l’unité et la paix dans la plaine de Mô et dans la région Centrale. Il suffit juste d’abandonner l’idée de changement de nom de la cascade et d’associer les gardiens des us et coutume de Boulohou au projet, pour que le site touristique projeté devienne une merveille dotée d’un narratif à valeur historique et culturelle unanimement acceptée dans le milieu. 

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